Aux origines du mal : une présentation

D’hier à aujourd’hui

« Pour faire cesser l’épidémie et enrayer le mal, il ne négligea aucune ressource divine ni humaine mais eut recours à tous les genres de sacrifices et de remèdes » (citation extraite du livre de Suétone, intitulé Vie de Titus, paragraphe 8, lignes 7-11. Traduction par H. Ailloud, Collection des Universités de France, 1932). C’est par ces mots que Suétone, auteur latin des 1er – 2e siècles de notre ère, qualifie l’action de l’empereur romain Titus, qui a régné de 79 à 81 de notre ère, face à un phénomène épidémique. Malgré les presque 2 000 ans qui nous séparent de ce texte, les résonnances avec le monde contemporain sont frappantes. Hier, comme aujourd’hui, pouvoirs politiques et hommes d’État se trouvent parfois désemparés face à la maladie et sont prêts à tout pour montrer à leurs administrés qu’ils ne restent pas inactifs face au problème.

Un objet d’Histoire

Les épidémies ne sont donc pas nouvelles. Elles étaient appelées « pestes » par les Anciens sans que cette appellation ne présuppose quoi que ce soit de la nature de la maladie en question. Nombreuses, et ce depuis des millénaires, elles suscitent l’intérêt de l’historien. Cependant, celui-ci est avant tout un homme, ou une femme, de son temps et le monde qui l’entoure n’est pas sans impact sur ses choix et méthodes d’investigation. Ainsi, c’est dans les années 1980, alors que commence à se propager le virus du sida, qu’on relève un certain nombre de grands travaux historiques sur la question. Le courant de ces études épidémiologiques ne s’est ensuite jamais véritablement tari mais force est de reconnaître qu’il connaît une nouvelle vigueur depuis le début de l’année 2020.

Pourquoi cette exposition ?

L’Antiquité a connu bon nombre d’épisodes épidémiques dont certains sont restés bien vivants dans les mémoires, grâce à des sources archéologiques, des témoignages historiques et des réécritures littéraires ou philosophiques. Philologues, historiens et archéologues de ce projet, en mobilisant les ressources et méthodes de leurs disciplines, souhaitent permettre aux visiteurs de cette exposition virtuelle de prendre connaissance des difficultés politiques et sociales liées aux épidémies dans l’Antiquité. Il s’agit ici de décentrer le regard des considérations, désormais tristement habituelles, sur la nature des affections épidémiques, de leur contagiosité et modalités de transmission, ainsi que de leurs conséquences démographiques et biologiques. Ainsi cela permet de replacer, au cœur du discours, les sociétés et leurs modes de fonctionnement dans ces temps de crises. Considérant une chronologie large, allant du 2e millénaire avant notre ère aux premiers siècles de notre ère, une aire géographique étendue, allant de la Mésopotamie aux Gaules, en passant par la Grèce, Rome et Carthage, le questionnement se posera sur ce qui, dans les épidémies, provoque des désordres sociaux. Le visiteur trouvera, au gré de la déambulation numérique, des échos entre les situations du passé et les difficultés contemporaines. Ceci montrant l’utilité de l’Histoire, et en particulier de l’Antiquité, pour penser des problèmes d’aujourd’hui comme le suggère le regard d’une artiste plasticienne actuelle qui clôt le parcours.

Caroline Husquin
Maître de conférences en Histoire romaine,
Université de Lille, HALMA (Histoire, Archéologie et Littérature des Mondes Anciens) – UMR 8164
Membre associé TEMOS (Temps, Mondes, Sociétés) – UMR 9016
Co-responsable du laboratoire de prospective « Vivre et mourir, s’affaiblir et guérir, le corps dans tous ses états : vulnérabilité, soins et souci de soi », HALMA – UMR 8164

Pour aller plus loin >>
ES ÉPIDÉMIES EN MÉSOPOTAMIE : LE RÔLE DE L’HOMME, LE RÔLE DES DIEUX
LES ÉPIDÉMIES EN GRÈCE ANCIENNE : THUCYDIDE ET LA « PESTE D’ATHÈNES »
Les épidemies dans la rome républicaine : à qui profite le crime ?
Les épidémies dans la Rome impériale : une antidote contre la peste
Les épidémies en gaulle : des conséquences innatendues
Les épidémies à Carthage : le chrétien face à la peste
REPRÉSENTATION ARTISTIQUE DES ÉPIDÉMIES

Pour aller plus loin, une bibliographie :

– S. Bazin-Tacchella, D. Quérel et E. Samama, Air, miasmes et contagion. Les épidémies dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Dominique Guéniot éditeur, Paris, 2001.

– J-P. Demoule, « Une longue histoire de confinement », L’Histoire, 475, septembre 2020.

– J-M. Durand, « Les premiers médecins en Mésopotamie : l’exemple de Mari », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 150e année, numéro 4, 2006.
En ligne sur Persée : https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2006_num_150_4_88134

– M. Grmek, Les maladies à l’aube de la civilisation occidentale. Recherches sur la réalité pathologique dans le monde grec préhistorique, archaïque et classique, Payot, Paris, 1983.

– K. Harper, Comment l’Empire romain s’est effondré : le climat, les maladies et la chute de Rome, La Découverte, Paris, 2019.

– C. Michel, « Maîtriser les épidémies dans l’antiquité au Proche-Orient »
Pour la Science, avril 2020 : https://www.pourlascience.fr/sd/archeologie/maitriser-les-epidemies-dans-l-antiquite-au-proche-orient-19160.php

– C. Michel, « Épidémie : affaire de famille en Mésopotamie »
podcast mai 2020 : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200503-%C3%A9pid%C3%A9mie-affaire-famille-en-m%C3%A9sopotamie

– F. Van Haeperen, « Épidémies, pouvoir et religion à Rome », dans M. Humm, C. Stein (dir.), Religions et pouvoir dans le monde romain (218 av. J.-C. – 250 ap. J.-C.), A. Colin, Paris, 2021, p. 61-67.