Royaume de Mari, début du 2e millénaire avant notre ère : une maladie contagieuse affole ce royaume mésopotamien, situé sur les bords de l’Euphrate en Syrie. Face à la gravité de la situation, le roi en personne se doit d’agir et s’en remet aux dieux pour soulager les maux de la population.

Les premières
maladies contagieuses

Des épisodes épidémiques sont attestés très tôt en Mésopotamie, région « entre les fleuves », considérée comme le berceau de la civilisation et à situer aujourd’hui en Syrie et en Iraq. Le nom ancien des maladies de cette époque est souvent intraduisible car il est difficile de comprendre à quelles affections modernes elles pourraient correspondre. Pour les épidémies nous trouvons, dans les traités médicaux et dans les lettres, le mot simmum pour désigner une maladie grave et mortelle.
La diversité des sources écrites qui évoquent ce mal-simmum permet aujourd’hui d’avoir une vision relativement complète de ces épisodes catastrophiques. Ces sources rapportent ainsi les mesures adoptées pour lutter contre le fléau tout comme les soins et les rituels mis en place pour soulager les malades et calmer la colère des dieux.

Foie de mouton Mésopotamie

L’inévitable
intervention du roi

La maladie contagieuse qui frappe le royaume de Mari provoque des lésions de la peau ou l’apparition de furoncles chez les personnes qui en sont atteintes. Les lettres du roi de Mari et de son épouse montrent à quel point ce dernier prend les choses au sérieux et entend limiter la propagation de l’épidémie en agissant rapidement. Une lettre en particulier indique clairement les mesures à prendre pour éviter que le mal-simmum, qui touche une servante, ne se répande sur d’autres occupants du palais :

« Pour l’heure, donne des ordres stricts, afin que dans la coupe où elle boit, personne ne boive, que sur le siège où elle s’assoit, personne ne s’asseye, et que sur le lit où elle couche, personne ne se couche, afin que par son seul contact, elle ne contamine pas de nombreuses femmes. Ce mal-simmum s’attrape facilement » (ARM 10 129)

Cette lettre confirme que la maladie est identifiée et que le processus de contagion a bien été observé. Pour les Mésopotamiens, les épidémies se diffusent par contact ou en partageant la nourriture. Il faut donc rapidement limiter les échanges entre les différentes populations pour freiner la maladie. Les autorités ont alors la charge d’identifier les lieux contaminés pour empêcher les habitants de fuir et de répandre la maladie sur leur passage.

En effet, en plus de devoir prendre soin de son peuple, le contrôle des épidémies est également un enjeu majeur pour le roi car elles entrainent une diminution du personnel et créent des problèmes économiques dont se plaignent souvent les administrateurs du roi, en poste dans différentes villes du royaume. Par exemple, une mortalité importante des paysans peut entrainer des épisodes de famine car les bras manquent alors pour ramasser les récoltes et stocker les céréales.

L’action des soignants

Ces mesures pragmatiques s’associent à l’action des soignants de l’époque : médecins et exorcistes. Ils sont chargés d’appliquer huiles et onguents pour soulager les patients, mais également de pratiquer des rituels. Cette double pratique est inhérente à la conception de la maladie mésopotamienne. D’une part, la maladie peut être due à un facteur naturel, comme une forte chaleur par exemple, et d’autre part à un facteur divin. En effet, les dieux peuvent frapper les hommes et les femmes d’une malédiction et les rendre malades, en guise de punition pour un péché qu’ils auraient commis. De plus, cette malédiction peut se transmettre par simple contact. Plusieurs dieux sont responsables des épidémies comme par exemple Shamash, le dieu du soleil et de la justice ou Nergal, le dieu des Enfers.

Pour prévenir ces malédictions et calmer la colère des dieux, les exorcistes ont recours à différents rituels. Il existe des rituels prophylactiques, c’est-à-dire de prévention, utilisés lorsqu’on pressent qu’un malheur, comme une épidémie par exemple, va s’abattre sur une ville. Les rituels purificateurs et réparateurs sont également fréquents et prennent place au cours de la crise et à l’issue de celle-ci pour invoquer les dieux et demander le retour au calme. À Mari, des lettres présentent des devins et des exorcistes pratiquant des rituels expiatoires ou utilisant des talismans pour demander aux dieux de calmer l’épidémie.
Dans la société mésopotamienne, la religion est omniprésente et le rôle des dieux est donc central, que ce soit dans le déclenchement d’une épidémie ou dans le processus de guérison.

Magalie Parys, docteure en histoire et archéologie du Proche-Orient ancien, Université de Lille, HALMA (Histoire, Archéologie et Littérature des Mondes Anciens) – UMR 8164